Les « arguments » du comput

Les règles établies pour le calcul de la date de Pâques reposent essentiellement la connaissance des dates auxquelles reviennent chaque année :

  • les différents jours de la semaine (et plus particulièrement le dimanche);
  • les lunaisons (nouvelles ou pleines lunes).

Les techniques de calcul en usage depuis le haut Moyen Âge – relativement frustes par suite de l'ignorance du zéro et des nombres décimaux – ont donné naissance à une série de paramètres (argumenta computi) caractéristiques de chaque année, dont chacun ne fait qu'exprimer l'une de ces deux réalités en vue d'une application à une recette de calcul particulière.

Le tableau ci-dessous permet d'observer les équivalences entres paramètres du même type.

Les manuscrits médiévaux abondent en règles de comput pascal et en recettes de calcul. On les trouve le plus souvent en annexe (liminaire ou finale) à des livres liturgiques, ou associées à des traités d'arithmétique. Les arguments de comput (notamment le nombre d'or, l'épacte et la lettre dominicale) apparaissent aussi parfois dans la datation des documents.

Paramètres solaires

L'année ne comporte pas un nombre entier de semaines : 365 = (52 x 7) + 1. Chaque année, les mêmes quantièmes se trouvent donc décalés par rapport à l'année précédente :

  • d'une unité dans le cas normal,
  • de deux unités dans le cas des années bissextiles, à partir du mois de mars.
Concurrents solaires :

Cet argument indique le nombre de jours de la semaine déjà écoulés au moment où commence une nouvelle année lunaire, dont le début était fixé au 25 mars dans l'ancien comput romain. Autrement dit, il correspond à la férie du 24 mars. Cette date de référence a été conservée malgré l'adoption du comput alexandrin, qui fait débuter l'année lunaire avec l'équinoxe de printemps, le 22 mars. On le trouve prfois désigné sous le nom de d'épacte solaire.

Lettre dominicale :
  • Les lettres dominicales sont un artifice commode qui permet de retrouver, chaque année, à quelles dates tombent les dimanches. Chacun des jours du calendrier est marqué d'une lettre de l'alphabet de A à G, selon un cycle continu. Ce jour est un dimanche si la lettre dont il est marqué correspond à la lettre dominicale de l'année en cours.
  • Un décalage supplémentaire se produit dans les années bissextiles, par suite de l'insertion d'un jour additionnel. Ces années possèdent donc deux lettres dominicales : l'une pour les mois de janvier et février, l'autre pour les mois suivants.

Paramètres lunaires

L'année lunaire conventionnelle, composée de 12 lunaisons comptant alternativement 29 et 30 jours – soit un total de 354 jours – est plus courte de 11 jours que l'année solaire (365 ou 366 jours). Les dates des nouvelles (et pleines) lunes se trouvent donc décalées de cette valeur chaque année. La situation étant en outre compliquée par l'introduction, à intervalles réguliers, d'une lunaison supplémentaire destinée à rattraper le retard accumulé.

Embolisme :

Il découle de ce qui précède qu'il arrive régulièrement (tous les 2 ou 3 ans) que treize nouvelles lunes se produisent au cours de la même année. C'est le phénomène appelé embolisme. L'année est alors réputée compter treize mois lunaires. (Noter que, par convention, chaque lunaison est rapportée à l'année dans laquelle elle s'achève.)

  • Ce phénomène est pris en compte automatiquement dans le calcul de l'épacte, et n'a donc pas d'incidence directe dans le comput pascal.
  • Une explication plus technique est fournie ci-dessous.
Epacte [alexandrine] :

Le début de l'année solaire ne coïncide qu'exceptionnellement avec le début d'une lunaison (Nouvelle lune). L'Epacte correspond au nombre de jours écoulés depuis la dernière Nouvelle lune au premier jour de l'année solaire. Dans le comput alexandrin, ce premier jour est fixé au 21 mars, début traditionnel de l'année égyptienne.

  • Il existe, par ailleurs, une « épacte romaine », exprimant le même phénomène calculé au 1er janvier. C'est ce mode de calcul qui a été remis à l'honneur pour servir de base aux calculs dans le calendrier grégorien. Il importe de ne pas les confondre.
  • Une explication plus technique est fournie ci-dessous.
Nombre d'or :

Les mêmes épactes se reproduisent régulièrement selon un cycle de 19 ans. Le Nombre d'or indique le rang de l'année considérée dans ce cycle. (Voir tableau ci-dessous.)

Régulier lunaire annuel :

C'est un nombre arbitraire affecté à chaque année qui, combiné avec les Concurrents, permet de calculer aisément la férie (jour de la semaine) à laquelle tombe la Lune pascale. (Voir tableau ci-dessous.)

  • Les Réguliers annuels sont à distinguer des Réguliers mensuels, nombres affectés à chaque mois qui, combinés avec l'épacte, permettent de calculer l'âge de la Lune au premier jour du mois considéré.)
Clef des fêtes mobiles :

C'est un nombre arbitraire affecté à chaque année, permettant de calculer aisément la date des fêtes mobiles en le combinant avec les concurrents solaires et un autre nombre attribué à chaque fête.

Lune pascale :

C'est la première lune de quatorze jours (dite "pleine lune") qui se produit après le 21 mars, et qui détermine la célébration de Pâques au dimanche suivant.

Table de concordance entre arguments

 N. d'or
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
16
17
18
19
 Epacte
0
11
22
3
14
25
6
17
28
9
20
1
12
23
4
15
26
7
18
 Régulier 1 6 2 5 3 6 4 7 3 1 4 7 5 1 4 2 5 3 5
 Clef 26 15 34 23 12 31 20 39 28 17 36 25 14 33 22 11 30 19 38
 Lune
 pascale
5
Av
25
Ma
13
Av
2
Av
22
Ma
10
Av
30
Ma
18
Av
7
Av
27
Ma
15
Av
4
Av
24
Ma
12
Av
1
Av
21
Ma
9
Av
29
Ma
17
Av
Con-
curr.
Lettre
dom.
Pâques
6
A
9
Av
26
Ma
16
Av
9
Av
26
Ma
16
Av
2
Av
23
Av
9
Av
2
Av
16
Av
9
Av
26
Ma
16
Av
2
Av
26
Ma
16
Av
2
Av
23
Av
5
B
10
Av
27
Ma
17
Av
3
Av
27
Ma
17
Av
3
Av
24
Av
10
Av
3
Av
17
Av
10
Av
27
Ma
17
Av
3
Av
27
Ma
10
Av
3
Av
24
Av
4
C
11
Av
28
Ma
18
Av
4
Av
28
Ma
11
Av
4
Av
25
avr
11
Av
28
Ma
18
Av
11
Av
28
Ma
18
Av
4
Av
28
Ma
11
Av
4
Av
18
Av
3
D
12
Av
29
Ma
19
Av
5
Av
29
Ma
12
Av
5
Av
19
Av
12
Av
29
Ma
19
Av
5
Av
29
Ma
19
Av
5
Av
22
Ma
12
Av
5
Av
19
Av
2
E
6
Av
30
Ma
20
Av
6
Av
23
Ma
13
Av
6
Av
20
Av
13
Av
30
Ma
20
Av
6
Av
30
Ma
13
Av
6
Av
23
Ma
13
Av
30
Ma
20
Av
1
F
7
Av
31
Ma
14
Av
7
Av
24
Ma
14
Av
31
Ma
21
Av
14
Av
31
Ma
21
Av
7
Av
31
Ma
14
Av
7
Av
24
Ma
14
Av
31
Ma
21
Av
7
G
8
Av
1
Av
15
Av
8
Av
25
Ma
15
Av
1
Av
22
Av
8
Av
1
Av
22
Av
8
Av
25
Ma
15
Av
8
Av
25
Ma
15
Av
1
Av
22
Av

Année lunaire – Épacte – Embolisme – Saut de lune

L' « année lunaire » est une pure fiction qui ne correspond à aucune réalité astronomique. Cette convention a pour but de regrouper un certain nombre de lunaisons (qui sont astronomiquement des jours lunaires) de manière à les faire correspondre approximativement à la période de révolution de la Terre autour du Soleil (« année solaire » – qui est à proprement parler l'année terrestre). S'il existait une commune mesure aux cours de la Lune et du Soleil, les nouvelles et pleines lunes se reproduiraient à dates fixes.

En réalité, l'année solaire, dont la durée est de 365 j 5 h 48 mn 45 s [365,2422 j], ne peut contenir un nombre entier de lunaisons. Celles-ci ont une période de 29 j 12 h 44 mn 3 s [29,5306 j] — soit un total de 354 j 8 h 48 mn 34 s [354,3671 j] pour 12 lunaisons, et une différence de 11 jours environ [10 j 21 h 0 mn 11 s = 10,8751 j] avec l'année solaire.

Cette différence accumulée d'année en année correspond à l'épacte. Lorsqu'elle atteint une valeur égale ou supérieure à la durée d'une lunaison (30 jours), il devient naturel d'englober (en grec : embolein) dans l'année lunaire une lunaison supplémentaire, afin de rattraper le retard sur l'année solaire, au moins partiellement. C'est le phénomène appelé embolisme. L'année lunaire en cause passe alors de 354 à 384 jours.

Au bout de dix-neuf ans, les mêmes valeurs se retrouventà un jour près. Or ce jour correspond (presque exactement) à l'erreur accumulée en évaluant par excès à 11 jours l'excédent de l'année solaire. Il suffit donc de sauter le jour excédentaire (« saut de lune ») pour « remettre tous les compteurs à zéro » et entamer un nouveau cycle identique au précédent.

C'est sur cette constatation, dont la paternité est attribuée à Méton (mathématicien athénien, Ve s. av. J.C.), que repose le calendrier lunaire alexandrin, qui s'est imposé pour le calcul de la date de Pâques. Le fonctionnement de l'algorithme est illustré par le tableau ci-dessous. Différentes approximations se compensant mutuellement, les années bissextiles restent sans incidence : l'âge de la Lune et celui du Soleil sont censés demeurer inchangés lors du jour supplémentaire.

Année solaire 12 lunaisons
( 6x29 + 6x30 ) – anticipation
Total brut Lunaison supplémentaire
(embolismique)
si le total brut est égal ou inférieur à (365–30)=335
Total net Anticipation de l'année solaire sur la lunaison suivante
(épacte)

Cours réel de la Lune

Millesimo permet d'obtenir une évaluation approximative de l'âge réel de la Lune (astronomique) à une date quelconque. Compte tenu des variations de la période de révolution du satellite terrestre, cette évaluation n'est exacte qu'à un ou deux jours près. Les calculs exigés par une évaluation plus précise dépassent très largement le cadre d'un programme de chronologie.

Cette fonctionnalité est accessible parmi les différentes fonctions de Chronologie technique, sous la rubrique « Comput », et rattachée à la date de la Lune pascale (cliquez sur le bouton « Chercher... », et sélectionnez l'option « Lune astronomique » ).