Le calendrier ecclésiastique

Dans toutes les sociétés, le calendrier qui rythme les activités humaines est essentiellement de nature religieuse. Les obligations qu'il comporte sont tantôt d'ordre négatif et consistent dans la prohibition de certaines activités – voire de toute activité – à de certaines dates ; tantôt d'ordre positif, et imposent la commémoration de certains évènements (historiques ou non) par des cérémonies appropriées.

Les calendriers des Eglises chrétiennes (occidentales ou orientales), en usage dans les sociétés médiévales, répondent quasi exclusivement à la seconde définition. Ils atteignent une complexité redoutable en raison de la superposition de plusieurs cycles de fêtes ; de l'adoption de principes variés pour la détermination de leur date (fêtes fixes, fêtes mobiles); des particularismes locaux du culte des saints.

Temporal et sanctoral

Une distinction fondamentale s'établit d'emblée entre les deux strates principales : le temporal et le sanctoral.

La fonction du temporal est moins commémorative que didactique. Elle consiste à répartir sur le cours d'une année la lecture fragmentée de deux longs textes essentiels : les Evangiles (à la messe) et le Psautier (à l'office). Cette répartition s'organise autour de deux pôles commémorant les moments-clés de la vie du Christ : d'une part, sa naissance (Noël) ; de l'autre, sa Passion et sa Résurrection (Pâques) – chacun de ces deux événements engendrant un cycle plus ou moins indépendant.

Le sanctoral n'est pas un ensemble aussi fortement structuré. Il résulte simplement de la célébration de la mémoire des saints à des dates anniversaires. Les lectures auxquelles ces fêtes donnent lieu sont indépendantes, tant entre elles que par rapport au temporal.

  • La distinction entre temporal et sanctoral n'est pas seulement intellectuelle ; elle est aussi matérielle. L'augmentation du nombre des fêtes de saints et la difficulté de les mentionner à leur place chronologique au milieu des fêtes mobiles a conduit, à partir du XIe siècle environ, à diviser les livres liturgiques en deux parties.
  • A ces ensembles vient encore se superposer le cycle des Quatre Temps, que l'on peut considérer comme un vestige des usages paléo-chrétiens. Ils consistent en quatre semaine de jeûne réparties à intervalles réguliers au cours de l'année, à l'issue de chaque saison (plus exactement: comme prélude à la suivante, qui leur donne son nom). Les célébrations correspondantes ont lieu le mercredi, le vendredi et le samedi de chacune. Bien que remis à l'honneur et définitivement fixés dans le calendrier par Grégoire VII (1073-1085), ces jours n'ont jamais joué qu'un rôle mineur dans le déroulement de l'année liturgique.

La maîtrise des usages fixant le temporal est nécessaire à la datation des documents qui s'y réfèrent. La connaissance des particularités locales du sanctoral permet souvent de situer l'origine géographique de ceux-ci.

Le cycle pascal

Le cycle pascal occupe une place prépondérante dans la structure du calendrier : non seulement parce que le « Mystère de la Rédemption » constitue le pivot essentiel de la doctrine chrétienne, ou encore que sa commémoration s'étale sur quatre mois environ, mais aussi parce que le mode de désignation des dimanches en prolonge l'incidence largement au-delà du temps pascal proprement dit (voir ci-après). Il dépend tout entier de la date à laquelle Pâques est fixée chaque année. En vertu de règles complexes fondées sur la succession des lunaisons, cette date varie entre le 22 mars et le 25 avril, de manière non progressive. Toutes les autres fêtes suivent ces divagations.

Le coeur du dispositif est constitué par la Semaine sainte, commémorant successivement l'entrée du Christ à Jérusalem (dimanche des Rameaux), son dernier repas et l'institution de l'Eucharistie (jeudi saint), sa crucifixion (vendredi saint), et enfin sa résurrection (Pâques).

Il est introduit par une période de jeûne et de pénitence (Carême) débutant avec le Mercredi des Cendres, quarante jours avant le dimanche des Rameaux. Cette période est elle-même précédée d'une phase de préparation au jeûne commençant le 9e dimanche avant Pâques (Septuagésime).

Le cycle pascal se prolonge par la célébration de la montée du Christ au ciel, au bout de quarante jours (Ascension), et de la descente de l'Esprit-Saint sur les Apôtres au bout de cinquante (Pentecôte). Il s'achève avec l'octave de cette fête, consacrée à la sainte Trinité. La Fête-Dieu (Corpus Christi), qui se célèbre le jeudi suivant, peut encore y être rattachée bien qu'elle soit d'institution relativement récente : ayant pris son origine à Liège en 1246, elle fut promulguée par Urbain IV en 1261, et définitivement confirmée par Clément V en 1311.

Tableau récapitulatif du cycle pascal
Septuagésime 9e dim. avant Pâques
Sexagésime 8e dim. avant Pâques
Quinquagésime 7e dim. avant Pâques
Mercredi des Cendres (début du Carême) Quarante jours avant le dimanche des Rameaux
Ier dimanche de Carême (Invocavit) 6e dim. avant Pâques
IIe dimanche de Carême (Reminiscere) 5e dim. avant Pâques
IIIe dimanche de Carême (Oculi) 4e dim. avant Pâques
IVe dimanche de Carême (Laetare) 3e dim. avant Pâques
Dimanche de la Passion (Ve de Carême) 2e dim. avant Pâques
Dimanche des Rameaux (VIe de Carême) 1er dim. avant Pâques
Jeudi Saint (Cène) Trois jours avant Pâques
Vendredi Saint (Parasceve) Deux jours avant Pâques
Samedi Saint (Bénédiction du cierge annuel) Veille de Pâques
Pâques [Mode de détermination]
Dimanche « in Albis » (Quasimodo) 1er dim. après Pâques
Rogations Quatre jours (dimanche – mercredi) précédant l'Ascension (5e semaine après Pâques)
Ascension Quarante jours après Pâques (jeudi)
Pentecôte Cinquante jours (7e dim.) après Pâques
Dimanche de la Trinité 1er dim. après la Pentecôte
Fête-Dieu Douze jours après la Pentecôte (jeudi)

Le cycle de la Nativité

Le cycle de la Nativité s'organise autour de la commémoration de la naissance du Christ, célébrée arbitrairement le 25 décembre (Noël). Il se compose donc uniquement de fêtes à dates fixes.

Comme le cycle pascal, il s'ouvre par une période de jeûne et de pénitence, moins rigoureuse toutefois que le Carême : l'Avent . Sa durée n'est pas absolument fixe puisqu'elle se compte en dimanches et dépend des dates auxquelles ceux-ci tombent. Elle paraît avoir été primitivement de quarante jours (soit environ six semaines), comme le Carême. Dès le VIIe siècle, on ne compte plus à Rome que cinq dimanches d'Avent ; Grégoire VII (1073-1085) ramena ce nombre à quatre.

Deux de des fêtes du cycle de la Nativité proprement dit (l'Annonciation et la Purification) peuvent être considérées comme des fêtes de la Vierge Marie autant que de Jésus-Christ.

Elles le seront de plus en plus au fur et à mesure que s'amplifiera le culte marial. L'évolution se trahit dans leur désignation : « Purificatio Beatæ Mariæ » se substitue à « Hypapanti Domini », et « Annuntiatio Beatæ Mariæ » à « Annuntiatio dominica ».

Il est donc assez naturel de rattacher à ce cycle les différentes fêtes de la Mère de Dieu. A l'exception de celles qui viennent d'être citées, seules les fêtes de sa Nativité (8 septembre) et de son Assomption (15 août) sont célébrées de toute ancienneté. La fête de sa Conception (8 décembre) s'est développée à partir des environs de l'an Mil, principalement en milieu monastique. Elle donna lieu à de vives controverses théologiques jusqu'à ce que son adoption par les Franciscains (1263) en assure finalement le succès. Sixte IV l'imposa à l'ensemble de la chrétienté en 1476. La fête de la Visitation, instituée elle aussi chez les Franciscains en 1263, fut d'abord célébrée à des dates très variables avant d'être fixée au 6 avril par Urbain V (1369). La fête de sa Présentation (21 novembre), d'origine orientale, s'est répandue tardivement en Occident. Introduite en 1372 (Avignon) - 1373 (Paris) à l'initiative de Philippe de Maizières, chancelier du royaume de Chypre, elle fut introduite dans le bréviaire romain par Sixte IV, abolie par Pie V, et finalement restaurée par Sixte V (1585).

  • Ce n'est pas avant le XIXe siècle que le « mystère » de l'Immaculée Conception fut imposé comme un dogme universel (1854). Pour résumer très grossièrement la controverse, certains estimaient qu'il y avait contradiction à considérer en même temps que le Fils de Dieu ait été pleinement homme et que sa mère n'ait pas été une femme « comme les autres ».
  • La fête de l'Assomption est universellement intégrée au temporal. Celles de la Visitation, de la Conception et de la Présentation figurent parfois dans le sanctoral. — Certaines églises assignent une autre date à cette dernière fête (30 septembre, 26 novembre).

En replaçant ces fêtes dans l'ordre des événements qu'elles commémorent, le tableau récapitulatif s'établit comme suit :

Conception de la Vierge Marie 8 décembre
Nativité de la Vierge Marie 24 septembre
Présentation de la Vierge Marie 21 novembre
Annonciation 25 mars
Visitation 6 avril
Nativité du Christ (Noël) 25 décembre
Circoncision du Christ 1er janvier
Adoration des Mages (Epiphanie) 6 janvier
Présentation au Temple(Purification de la Vierge Marie) 2 février
Assomption de la Vierge Marie 15 août

Dimanches communs

Les quelque six mois suivant la Pentecôte constituent une sorte de « no man's land » liturgique, où n'émergent que les fêtes des saints (notamment celles de la Vierge Marie) et la Toussaint, avant que le cycle de la Nativité ne reprenne, fin novembre ou début décembre. Les dimanches de cette période, dits « communs », sont néanmoins identifiés et comptabilisés par rapport à la Pentecôte, ce qui les rattache formellement au cycle pascal.

Les fêtes du cycle de la Nativité étant célébrées à date fixe, tandis que celles du cycle pascal le sont à des dates variables, la jonction entre les deux cycles est « élastique » : le nombre de dimanches après l'Epiphanie varie entre 1 et 6 ; celui des dimanches apès la Pentecôte, entre 23 et 28.

Date de PâquesDim. après l'Epiphanie
22 – 24 mars 1
25 – 31 mars2
1 – 7 avril3
8 – 14 avril 4
15 – 21 avril 5
22 – 25 avril 6
Date de Pâques Dim. après la Pentecôte
22 – 26 mars 28
27 mars – 2 avril 27
3 – 9 avril 26
10 – 16 avril 25
17 – 23 avril 24
24– 25 avril 23

Cette situation a d'importantes répercussions sur le cycle des lectures liturgiques. Une approche naïve conduirait en effet à prévoir, pour le 6e dimanche après l'Epiphanie ou le 28e après la Pentecôte, des liturgies qui ne trouveraient à s'appliquer qu'une ou deux fois par siècle. Pour remédier à cet état de choses, il est convenu de ne distinguer que deux dimanches après l'Epiphanie et vingt-quatre après la Pentecôte, et de réserver quatre dimanches « vagues » ou « extravagants », qui sont répartis après l'Epiphanie et avant le début de l'Avent, en fonction de la date de Pâques. Dans le second cas, ils s'insèrent entre le 23e dimanche après la Pentecôte et le « dernier » (qui ne porte pas de numéro).

La désignation des dimanches du Carême et de l'Avent par leur rang n'obéit pas à une règle uniforme : ils peuvent aussi être décomptés à rebours (avant Pâques, avant Noël). L'usage médiéval préfère souvent numéroter les dimanches après la Pentecôte à partir du dimanche de la Trinité (1er après la Pentecôte) : leur rang se trouve ainsi diminué d'une unité.

Quel que soit le mode de comptage, ce type de désignation reste l'apanage du domaine liturgique. Dans l'usage courant, les dimanches sont communément désignés d'après le thème de la lecture évangélique (dimanches « des Béatitudes », « du Bon Pasteur », « des Cinq pains », etc.), ou d'après le chant d'ouverture de la messe (« introit » : dimanches de « Reminiscere », « Oculi », « Laetare », etc.).

  • Le premier type de désignation est plus fréquent pour les dimanches communs proprement dits (après l'Epiphanie, après la Pentecôte) ; la seconde pour les dimanches du Carême et de l'Avent.
  • En milieu monastique, on trouve aussi les dimanches désignés par le premier verset ou le premier répons du premier office du jour dans le bréviaire (premier nocturne) ou dans le diurnal (office de prime).
  • Dans les sacramentaires, évangéliaires ou lectionnaires les plus anciens, les dimanches du second semestre sont souvent comptés à partir d'une date fixe : notamment la fête des Apôtre (ss. Pierre et Paul, 29 juin) dans l'usage romain.

Récapitulatif des dates extrêmes

Les dimanches inscrits en bleu ne trouvent place que si la date de Pâques le permet (voir tableau précédent).

Dimanches et fêtes Minimum Maximum
Dom. in oct. Circumcisionis 2 janv. 5 janv.
Dom. in oct. Epiphaniæ 7 janv. 13 janv.
Dom. 2ª post Epiphaniam 14 janv. 20 janv.
Dom. 3ª post Epiphaniam 21 janv. 27 janv.
Dom. 4ª post Epiphaniam 28 janv. 3 févr.
Dom. 5ª post Epiphaniam 4 févr. 10 févr.
Dom. 6ª post Epiphaniam 11 févr. 14 févr.
Dom. in Septuagesima 18 janv. 22 févr.
Dom. in Sexagesima 25 janv. 29 févr.
Dom. in Quinquagesima 1 févr. 7 mars
Dies Cinerum (Caput ieiunii) 4 févr. 10 mars
Dom. 1ª Quadragesimæ 8 févr. 14 mars
F. 4ª IV Temporum vern. 11 févr. 17 mars
Dom. 2ª Quadragesimæ 15 févr. 21 mars
Dom. 3ª Quadragesimæ 22 févr. 28 mars
Dom. 4ª Quadragesimæ 1 mars 4 avr.
Dom. Passionis (5ª Quadr.) 8 mars 11 avr.
Dom. Palmarum (6ª Quadr.) 15 mars 18 avr.
Cena Domini 19 mars 22 avr.
Parasceve 20 mars 23 avr.
PASCHA 22 mars 25 avr.
Dom. in Albis (1ª p. Pascha) 29 mars 2 mai
Dom. 2ª post Pascha 5 avr. 9 mai
Dom. 3ª post Pascha 12 avr. 16 mai
Dom. 4ª post Pascha 19 avr. 23 mai
Dom. Rogationum (5ª p. Pascha) 26 avr. 30 mai
ASCENSIO DOMINI 30 avr. 3 juin
Dom. in oct. Ascensionis 3 mai 6 juin
PENTECOSTES 10 mai 13 juin
F. 4ª IV Temporum æstiv. 13 mai 16 juin
Dom. Trinitatis (1ª p. Pentecost.) 17 mai 20 juin
Corpus Christi 21 mai 24 juin
Dom. 2ª post Pentecosten 24 mai 27 juin
Dom. 3ª post Pentecosten 31 mai 4 juill.
Dom. 4ª post Pentecosten 7 juin 11 juill.
Dom. 5ª post Pentecosten 14 juin 18 juill.
Dom. 6ª post Pentecosten 21 juin 25 juill.
Dom. 7ª post Pentecosten 28 juin 1 août
Dom. 8ª post Pentecosten 5 juill. 8 août
Dom. 9ª post Pentecosten 12 juill. 15 août
Dom. 10ª post Pentecosten 19 juill. 22 août
Dom. 11ª post Pentecosten 26 juill. 29 août
Dom. 12ª post Pentecosten 2 août 5 sept.
Dom. 13ª post Pentecosten 9 août 12 sept.
Dom. 14ª post Pentecosten 16 août 19 sept.
Dom. 15ª post Pentecosten 23 août 26 sept.
Dom. 16ª post Pentecosten 30 août 3 oct.
Dom. 17ª post Pentecosten 6 sept. 10 oct.
Dom. 18ª post Pentecosten 13 sept. 17 oct.
Dom. 19ª post Pentecosten 20 sept. 24 oct.
Dom. 20ª post Pentecosten 27 sept. 31 oct.
Dom. 21ª post Pentecosten 4 oct. 7 nov.
Dom. 22ª post Pentecosten 11 oct. 14 nov.
Dom. 23ª post Pentecosten 18 oct. 21 nov.
Dom. 24ª post Pentecosten 25 oct. 26 nov.
Dom. 25ª post Pentecosten 1 nov. 26 nov.
Dom. 26ª post Pentecosten 8 nov. 26 nov.
Dom. 27ª post Pentecosten 15 nov. 26 nov.
Dom. 28ª post Pentecosten 22 nov. 26 nov.
F. 4ª IV Temporum autumn. 15 sept. 21 sept.
Dom. 1ª Adventus 27 nov. 3 déc.
Dom. 2ª Adventus 4 déc. 10 déc.
Dom. 3ª Adventus 11 déc. 17 déc.
F. 4ª IV Temporum hiem. 15 déc. 21 déc.
Dom. 4ª Adventus 18 déc. 24 déc.
Dom. in oct. Nativitatis 26 déc. 31 déc.

Le sanctoral

Le culte des saints, et plus spécialement des martyrs, remonte aux temps les plus anciens de l'histoire de l'Eglise.

Le contenu des sanctoraux est d'une infinie variété, correspondant à une multiplicité d'usages locaux qu'aucune réforme n'a jamais vraiment tenté de normaliser. Son développement et sa diversification sont des phénomènes graduels et constants.

Le commun dénominateur est constitué par l'ancien usage romain, diffusé dans toute l'Europe à l'époque carolingienne sur la base de sacramentaires attribués aux papes Gélase I (492-496) et Grégoire le Grand (590-604). Celui-ci a immédiatement été enrichi des particularités issues d'usages locaux antérieurs (certaines églises y ont intégré la liste quasi complète des évêques dont elles avaient conservé la mémoire). De nouvelles fêtes particulières à un diocèse ou à un ordre religieux n'ont cessé de s'y introduire au fil des siècles.

Alors que le sanctoral gélasien-grégorien compte moins d'une centaine de célébrations, ce nombre s'élève graduellement au cours des siècles pour atteinte communément plus de 300 à la fin du Moyen Age. L'inflation n'est pas uniquement due à l'effet « mécanique » de l'accumulation des personnages sanctifiés au fil des siècles. Elle est aussi la conséquence du développement du culte des reliques, qui multiplie les fêtes commémorant les « inventions » (découverte de reliques), les « translations » (transfert des reliques d'un lieu à un autre), les « élévations » (réinstallation solennelle du corps dans l'église). Y prend également une large part la diffusion de certains cultes au-delà de leur « périmètre d'origine », par suite notamment de l'extension territoriale de certains ordres religieux. Des fêtes initialement à un ordre particulier sont devenues usuelles dans les régions soumises à leur influence prépondérante. Celle des franciscains, particulièrement forte à Rome au XIIIe siècle, a conduit la papauté à imposer plusieurs fêtes à l'ensemble de la chrétienté.

Dès la fin du Moyen Age, la prolifération des fêtes commença à être ressentie comme abusive. Jean Gerson la dénonça au Concile de Constance (1414-1418) ; mais aucune décision formelle ne fut prise pour y mettre un terme avant la bulle « Universa per orbem » d'Urbain VIII (1645).

  • La canonisation des saints est une procédure qui n'a été introduite qu'à la fin du Xe siècle (la première est celle de s. Ulrich d'Augsbourg [† 973], par Jean XV, en 993). Néanmoins, une fois que la sainteté du personnage a été reconnue, il n'existe aucune disposition générale pour contrôler les manifestations du culte qui lui est rendu, et chaque église peut multiplier à loisir les fêtes qui sont célébrées sous son nom.
  • Les calendriers pléniers (comportant un nom de saint pour chaque jour) que l'on voit se développer au bas Moyen Age – principalement dans les livres d'heures et les almanachs – sont des créations artificielles, qui sont supposées en préserver la validité quel que soit le lieu d'attache du destinataire, et à permettre ainsi la production en série des livres où ils apparaissent. Ils sont dépourvus de valeur liturgique et, de ce fait, particulièrement difficiles à interpréter en termes d'origine géographique. Les saints majeurs de la région de production tendent néanmoins à s'y laisser reconnaître au milieu d'une masse anarchique, et parfois même fantaisiste. Par ailleurs, ces calendriers ne sont pas établis au coup par coup, mais se reproduisent d'un manuscrit ou d'une édition à l'autre : ils sont donc susceptibles d'une critique génétique. Cette approche a connu d'importants développements au cours de ces dernières décennies.

Hiérarchie des fêtes

Qu'elles appartiennent au temporal ou au sanctoral, toutes les fêtes ne sont pas célébrées avec la même solennité. La hiérarchie de base se fonde sur le nombre de lectures (leçons) auxquelles elles donnent lieu à l'office. Entre le simple rappel (« commémoraison ») et l'office double, les degrés varient selon qu'il s'agit de l'usage séculier et canonial : trois, six, neuf leçons – ou monastique : trois, neuf (huit chez les clunisiens), douze leçons. Les fêtes les plus importantes (une dizaine au plus) sont précédées d'une « pré-célébration » la veille (vigile), et bissées huit jours plus tard, ou le dimanche suivant (octave).

Au fil des temps, la multiplication des fêtes s'accompagne d'une inflation constante des solennités : le rite de certaines célébrations doit régulièrement être rehaussé pour qu'elles continuent à se distinguer au milieu de celles qui ont été nouvellement introduites. Ce phénomène se traduit principalement par la création de rites plus élevés au sommet de la hiérarchie ; dans une moindre mesure par l'introduction d'échelons intermédiaires (fêtes semi-doubles). La rétrogradation d'une fête est exceptionnelle, sauf s'il s'agit de laisser la priorité à un autre tombant le même jour.

L'un des effets de ces élévations de rite a été de faire pratiquement disparaître l'échelon intermédiaire des fêtes simples, celles-ci se trouvant ainsi ramenées à deux degrés : trois et neuf ou douze leçons. Pour ce qui concerne les degrés supérieurs, leur nomenclature est extrêmement variée et dépend des usages propres de chaque église ou ordre religieux : on y trouve des expressions telles que « grand-double », « double majeur », « solennel », « célèbre », « annuel », « triple »,...

Les indications de rite qu'on trouve dans les calendriers se réfèrent parfois à des détails matériels et, de ce fait, peuvent différer selon que l'on a affaire à un bréviaire ou diurnal (qui concernent les offices) ou à un missel (qui concerne la messe). Certaines se réfèrent à la tenue portée par les moines (« en aube », « en chape »), d'autres au nombre de luminaires allumés sur l'autel (« fête à cinq, sept, neuf cierges »), ou encore aux sonneries de cloches : l'expression « fête carillonnée » est restée dans la langue courante.

Il est impossible de dresser un tableau clair et succinct de ces désignations.Dans le cadre d'indications sérielles (calendrier, sanctoral), il est facile de se repérer dans cette hiérarchie. Mais dans le cas d'une mention isolée, on ne peut guère savoir a priori si l'on a affaire ou non au degré le plus élevé.

Conflits de dates

L'articulation des fêtes du sanctoral avec celles du temporal entraîne fréquemment des conflits que les « ordinaires liturgiques » (ensemble des règles fixant la célébration des offices d'une église) s'efforcent de prévoir et de régler au moyen de dispositions complexes. Les fêtes de moindre importance sont généralement réduites à une simple commémoraison ; celles dont la célébration ne saurait être éclipsée (en particulier celle du saint patron local) sont déplacées d'un jour ou d'une semaine, avant ou après leur date normale. Les mêmes dispositions peuvent être prises pour les octaves des plus importantes.

Ainsi, la fête de saint Benoît (21 mars), qui est naturellement l'une des principales dans l'ordre bénédictin, tombe régulièrement pendant le carême. Assez fréquemment même, elle coïncide avec l'un des jours majeurs de la Semaine sainte (jeudi, vendredi, samedi saints), ce qui en empêche totalement la célébration dans une forme normale. Cette situation s'est produite en 604 (s), 631 (j), 642 (j), 699 (v), 726 (j), 737 (j), 783 (v), 794 (v), 821 (j), 832 (j), 851 (s), 878 (v), 889 (v), 916 (j), 946 (s), 973 (v), 984 (v), 1041 (s), 1068 (v), 1079 (j), 1136 (s), 1163 (j), 1174 (j), 1231 (v), 1258 (j), 1269 (j), 1315 (v), 1326 (v), 1353 (j), 1364 (j), 1383 (s), 1410 (v), 1421 (v), 1448 (j), 1478 (s), 1505 (v), 1516 (v), 1573 (s).

Ces anticipations ou procratisnations restent cependant sans incidence lorsqu'il sagit d'exprimer une date. Quel que soit le jour où elle est effectivement célébrée, la Saint-Benoît correspond toujours au 21 mars.

D'autres changements de date ne sont pas conjoncturels, mais structurels : pour permettre l'introduction d'une nouvelle fête plus importante, celle qui se célébrait à cette date peut être déplacée à une autre. La modification a cette fois un retentissement durable sur le calendrier.