Les calendriers de l'Occident méditerranéen

A certaines exceptions près (cas des calendriers sidéraux étrusque et arménien archaïque), les calendriers des sociétés humaines se fondent généralement sur le retour périodique des mêmes phases du Soleil ou de la Lune. La majorité d'entre eux s'efforcent d'accorder les deux malgré leur asynchronie.

Le calendrier julien

Le Calendrier julien représente le calendrier romain issu de la réforme de Jules César (45 av. J.C.), consistant en 365 jours par an avec l'insertion d'un jour supplémentaire tous les quatre ans. Il a été en usage dans tout l'Occident jusqu'à la fin du XVIe siècle.

Insertion du bissexte

Pour des raisons qui tiennent aux croyances romaines relatives aux jours fastes et néfastes, l'addition du jour supplémentaire s'effectue en redoublant par anticipation le VI des calendes de mars (25 février) – et non en ajoutant un jour supplémentaire à la fin du même mois, comme c'est le cas dans notre calendrier moderne (grégorien).

Les fêtes chrétiennes étant fixées d'après le quantième romain, toutes les fêtes normalement célébrées du 24 au 28 février sont retardées d'un jour dans les années bissextiles.

Année commune Année bissextile
23 février VII kal. Mart. VII kal. Mart.
24 février VI kal. Mart.
S. Matthiae apostoli
bis VI kal. Mart.
25 février V kal. Mart. VI kal. Mart.
S. Matthiae apostoli
26 février IV kal. Mart. V kal. Mart.
27 février III kal. Mart. IV kal. Mart.
28 février Pr. kal. Mart. III kal. Mart.
29 février Pr. kal. Mart.

Le calendrier grégorien

La légère approximation que représente l'addition d'un jour entier tous les quatre ans a produit, au fil des temps, un décalage sensible avec le cours du Soleil : presque exactement un jour par siècle. L'écart cumulé était de 10 jours lorsque le pape Grégoire XIII rétablit la concordance, en 1582, en passant directement du 4 au 15 octobre et en modifiant le rythme des années bissextiles. C'est l'origine du Calendrier grégorien, que nous suivons toujours.

• Selon les nouvelles règles, l'insertion du bissexte n'a pas lieu dans les années « séculaires » – c'est-à-dire celles dont le millésime se termine par deux zéros (1600, 1700,...). Les années « millénaires » (2000,...) ne sont pas concernées par cette exception.

• On notera que la valeur du décalage résorbé en 1582 suppose que l'erreur s'est accumulée depuis les travaux des computistes des IVe-Ve siècles, et non pas depuis la réforme de Jules César.

Le Calendrier grégorien n'a pas été adopté instantanément dans toute l'Europe. Les nations catholiques s'y sont conformées en l'espace de quelques années ; mais les Etats protestants ont longtemps rejeté cette réforme « papiste ». Les pays de tradition orthodoxe ont persévéré dans l'usage officiel du Calendrier julien jusqu'au XIXe ou XXe siècle (jusqu'en 1945 pour la Roumanie). Les Eglises orthodoxes s'y maintiennent toujours pour la célébration des fêtes mobiles.

La fonction « Styles de datation » du menu « CHRONOLOGIE » fournit les dates d'adoption du calendrier grégorien dans les différentes aires géographiques.

Eres en usage dans l'Orient romano-byzantin

L'administration romaine a imposé son calendrier et son mode de datation à l'ensemble de l'empire, du moins pour l'usage officiel. Pour leur usage interne, les différentes communautés ont continué à utiliser leurs calendriers particuliers. Ce sont autant de domaines spécialisés qui dépassent le cadre de ce programme.

Les historiens et chronologistes d'expression grecque ont employé des systèmes de décompte des années relevant de traditions totalement étrangères au monde latin. Les principaux sont les suivants.

I. Eres locales proprement dites

• Ere des Séleucides

Cette ère prend pour origine l'entrée de Seleucus I. Nicator à Babylone, à l'automne 312 avant l'ère chrétienne, et l'établissement de sa dynastie au Proche-Orient. Couramment en usage en Mésopotamie, Syrie et Palestine, elle a été très employée par les Juifs sous le nom d' « ère des contrats » ou « ère des Grecs », pour les usages civils et les transactions commerciales.

Le point de départ exact dépend de la date à laquelle le début de l'automne (ou l'équinoxe correspondant) est fixé dans les différentes traditions. Il se situe généralement au 1er septembre, ou autour des 20-25 du même mois.

• Ere césarienne d'Antioche

Le point de départ de cette ère est la reconquête de la cité par Jules César lors de la Guerre civile, en 48 av. J.-C. Elle s'est alors substituée à une ère « pompéienne », qui débutait avec la réorganisation des provinces d'Orient par Pompée, en 64.

II. Eres d'origine chrétienne

• Ere des Martyrs, ou Ere dioclétienne

Cette ère est employée par certains auteurs chrétiens d'Afrique. Elle prend pour origine le 29 août 284, considérant l'accession au pouvoir de l'empereur Dioclétien (et les persécutions qui s'ensuivirent) comme l'avènement de l'Antéchrist.

• Eres ecclésiastiques de Byzance et d'Antioche

Ces ères, également appelées « Âge du Monde » ou « Ere adamique », se fondent sur la date de la Création d'après la Bible, selon deux supputations différentes de chronologistes chrétiens : en 5492 av. J.-C. d'après les calculs de Panadore d'Antioche, en 5508 d'après ceux des exégètes byzantins.

Le calendrier hébraïque

Le calendrier hébraïque est un système très élaboré, qui s'attache à faire concorder aussi exactement que possible l'année solaire avec les lunaisons. Il se compose de mois lunaires de 29 ou 30 jours, qui se regroupent en années de 12 ou 13 mois de manière à conserver un certain synchronisme avec la révolution du Soleil. Les années peuvent ainsi compter 353, 354, 355 ou 383, 384, 385 jours, et se succèdent selon des règles d'une extrême complexité.

Le mécanisme du calendrier hébraïque est strictement codifié depuis 357 de l'ère chrétienne. C'est également à cette date que fut calculée, à partir d'indications bibliques, la date de la Création du monde qui sert de base au décompte des années. Celle-ci est supposée avoir eu lieu 3761 ans avant le début de l'ère chrétienne.

A cette date encore, le commencement de l'année — qui débutait traditionnellement avec le mois d'Adar, correspondant à peu près à l'équinoxe de printemps — fut fixé au 1er jour du mois de Tishri. De cette manière, il coïncidait à peu près avec le début de l'année hellénistique, le 1er septembre (le 1er Tishri tombe effectivement le 1er septembre en 357).

Ce système maintient constant le décalage entre l'an de la Création et le millésime chrétien — à une unité près dans la période où se produit le changement de millésime (fin août - début septembre).

Les Juifs de la Diaspora ont souvent adopté les usages des contrées dans lesquelles ils étaient établis pour décompter les années (plus particulièrement dans l'Orient byzantin ou musulman), tandis qu'ils conservaient leur calendrier propre pour la désignation des jours.

Le calendrier musulman

L'ère de l'Hégire, universellement en usage dans le monde musulman, prend pour origine la date à laquelle le Prophète Muhammad déserta la Mecque (16 juillet 622 de l'ère chrétienne).

L'année musulmane, qui commence le 1er du mois de Muharram, est entièrement fondée sur le cycle lunaire. Elle se compose de douze mois comprenant alternativement 29 et 30 jours. Dans chaque période de trente ans viennent se placer, à intervalles convenus, onze années dont le dernier mois comprend 30 jours au lieu de 29.

L'année compte donc 354 ou 355 jours, soit onze ou douze jours de moins que l'année solaire. Il s'ensuit un décalage croissant entre l'année de l'Hégire et le millésime chrétien (environ trois ans par siècle). Une autre conséquence est que deux années musulmanes successives peuvent débuter dans le courant d'une même année julio-grégorienne : l'une dans les premiers jours de janvier, l'autre dans les derniers jours de décembre.

La « Grande ère » d'Arménie

Dans l'Antiquité, les Arméniens ont utilisé un calendrier sidéral donnant naissance à une « année vague », c'est-à-dire se décalant en permanence par rapport à l'année solaire. (Le système, qui a probablement évolué au cours des temps, n'est pas connu dans tous ses détails.)

L'ère arménienne utilisée depuis l'époque médiévale jusqu'à une date contemporaine (1923) prend pour origine le 11 juillet 552, date à laquelle l'Eglise arménienne, proclamée autocéphale au concile de Dwin de la même année, renonça au calendrier traditionnel pour en adopter un nouveau. Celui-ci se compose de 12 mois de 30 jours, avec 5 jours complémentaires (« épagomènes »); l'année compte donc en permanence 355 jours et se décale d'un jour sur l'année julio-grégorienne lors de chaque année bissextile.

Les mois arméniens portent les noms suivants : 1. Navasart – 2. Hori – 3. Sahmi – 4. Dreh – 5. Kaghotz – 6. Aratz – 7. Mehegan – 8. Arek – 9. Ahegan – 10. Mareri – 11. Markatz – 12. Hroditz. Les 5 jours épagomènes (Havelouatz) sont désignés chacun par un nom particulier : Pailatzu, Arusiak, Hrat, Lusntag, Everag.

Une nouvelle réforme du calendrier, dite "petite ère d'Arménie", proclamée en 1083 pour remédier au décalage avec l'année solaire, est restée pratiquement inusitée dans les emplois courants.