Le monde latin médiéval poursuit l'usage du calendrier romain issu de la réforme de Jules César en 45 av. J.C. (calendrier julien), fondé sur une année solaire de 365 jours répartis en douze mois inégaux, avec insertion d'un jour complémentaire (bissextile) tous les quatre ans. Ce système ne connaîtra pas de modification jusqu'à ce que la réforme de Grégoire XIII (1582) vienne réajuster le rythme des années bissextiles (calendrier grégorien).
Les usages hérités du monde romain survécurent un moment à l'écroulement de l'empire, notamment chez les Goths installés en Italie, qui tentèrent longtemps de maintenir la fiction d'une continuité avec les institutions romaines.
L''indiction constitue le vestige majeur des usages du bas-empire, devant sa survie au fait qu'elle restait en usage dans l'empire byzantin.
Dans les royaumes barbares qui s'établirent sur les vestiges de l'empire romain, c'est la datation d'après les années de règne du souverain qui s'imposa dans toutes les chancelleries. L'administration pontificale s'aligna sur cet usage.
La Péninsule ibérique, où perdura l'ère provinciale locale prenant l'an 38 av. J.-C. pour origine, constitue une notable et inexplicable exception. Ce mode de datation est resté dans l'usage, tant officiel que courant, jusqu'au XIVe siècle en Espagne ; le Portugal n'y a officiellement renoncé qu'en 1422. La date y est habituellement annoncée par la formule « (sub) era... » (et non pas « anno... »), ce qui lève les ambiguïtés.
L'habitude de désigner les années en référence à la naissance du Christ selon notre usage moderne – « anno Domini », « anno Incarnationis », « anno Salutis »,... – émerge à partir des VIIe-VIIIe siècles, les travaux effectués à cette époque en vue de normaliser la date de Pâques dans toute la chrétienté ayant conduit les savants à établir la date de la Passion aussi exactement que le permettaient leurs connaissances. Ce mode de datation est à l'origine une pratique de techniciens (chronologistes, computistes, astronomes). Il ne devient courant qu'à partir du moment où les chancelleries l'adoptent (courant du XIIe siècle). Certains milieux très conservateurs (notamment la chancellerie pontificale) n'y viendront que beaucoup plus tard, surtout dans les actes les plus solennels, toujours un peu archaïsants.
A quelques exceptions près, il n'y a pas véritablement de problème de « conversion » du millésime mentionné dans les documents de tradition latine dans notre système moderne – si ce n'est la délicate question de l' « ajustement du style ». Celle-ci découle de ce que la date à laquelle il était convenu de changer le millésime ne correspond généralement pas au début de notre année (1er janvier). Il y a donc chevauchement entre les années du système en usage (le style) et celles de notre calendrier : pour certaines périodes de l'année, les millésimes mentionnés doivent être soit augmentés soit diminués d'une unité.
L'usage de l'ère de l'Incarnation (ou « ère chrétienne ») n'implique en rien qu'on ait fait commencer l'année à Noël (25 décembre). Les principaux styles en usage sont les suivants :
Styles | Début de l'année |
---|---|
PISAN (Annonciation) | 25 mars de l'an précédent |
GREC (Byzantin) | 1er septembre de l'an précédent |
NOËL (Nativité) | 25 décembre de l'an précédent |
CIRCONCISION (dit aussi Moderne) | 1er janvier de l'an courant |
VÉNITIEN | 1er mars de l'an courant |
ANNONCIATION (Florentin) | 25 mars de l'an courant |
PAQUES (Gallican) | Pâques de l'an courant |
Les usages varient même entre lieux très voisins et selon les époques, parfois même suivant la nature du document. Ils ne sont généralement connus avec certitude que pour la pratique administrative. Les problèmes de style sont donc souvent impossibles à trancher pour les dates mentionnées dans les textes, à moins que la spécification du jour de la semaine ne permette un contrôle.
La fonction « Styles de datation » disponible dans la fenêtre « CHRONOLOGIE » fournit un rappel des usages suivis dans les différentes régions d'Europe.
L'indiction change partout au 1er septembre (du moins en théorie), qu'elle soit utilisée seule ou concurremment avec un millésime.
Tout au long du Moyen Age coexistent deux traditions pour désigner les jours de la semaine :
Dans les deux cas, la semaine débute avec le dimanche.
Dimanche | Dies dominica | |
---|---|---|
Lundi | Dies Lunae | Feria IIª |
Mardi | Dies Martis | Feria IIIª |
Mercredi | Dies Mercurii | Feria IVª |
Jeudi | Dies Iovis | Feria Vª |
Vendredi | Dies Veneris | Feria VIª |
Samedi | Sabbatum |
L'usage du calendrier romain, fondé sur trois jours particuliers dans chaque mois (calendes, nones, ides) se poursuit tout au long du Moyen Age. La principale spécificité du système est que les jours y sont comptés à rebours à partir du jour-repère le plus proche : « le N-ième jour avant les calendes / nones / ides ».
Il en résulte quatre types de mois :
L'insertion du jour bissextile ne modifie pas le décompte des jours de février.
D'autres particularités du système sont susceptibles de surprendre l'utilisateur moderne :
La datation par quantièmes proprement dits – c'est-à-dire par le rang du jour dans le mois – apparaît dès l'époque mérovingienne, mais ne se généralise que lentement et dans les milieux laïcs.
A haute époque, et jusqu'au XIVe siècle au moins, on trouve également, en Italie, en Espagne et dans le Midi de la France, un usage parfois appelé « bolonais », consistant à décompter les jours à rebours pour toute la seconde moitié du mois : « dies XII mensis Ianuarii exeuntis » ou « exitus mensis Ianuarii » correspond ainsi au 20 janvier (il faut en effet calculer
Dans les milieux où l'on n'attache qu'une moindre importance aux datations formelles, il est commun d'exprimer celles-ci en référence au sanctoral : « le vendredi avant la Saint-Marc ».
Ce mode de datation a pris une extension considérable dans le monde germanique, et plus spécialement dans les documents rédigés en langue vulgaire. Chaque jour de l'année (ou presque) s'y trouve finalement désigné par un nom particulier dérivé du nom du saint célébré à cette date, avec de nombreuses variantes graphiques ou dialectales et de nombreuses références aux saints locaux ; par exemple : « Bamisse, Bavenmisse », la Saint-Bavon (1er octobre) ; « Barblentag, Barbellentag, Barbelendag », la Sainte-Barbe (4 déc.) ; « Bastiansdag », la Saint-Sébastien (20 janvier) ; etc.
Seuls les saints qui font l'objet d'un culte important sont susceptibles de fournir un « ancrage chronologique » de ce genre — ce qui n'exclut évidemment pas les saints locaux. On doit d'autre part garder à l'esprit qu'un même saint peut faire l'objet de plusieurs fêtes dans le cours de l'année : fête propre (qui n'est pas nécessairement la principale), octave, translation, etc.
Dans le langage courant, ces fêtes sont souvent distinguées au moyen d'expressions consacrées. Celles-ci sont particulièrement figées lorsque la fête considérée constitue un terme habituel pour les redevances ou les contrats :
— Saint-Martin « d'été », ou « petite » Saint-Martin : sa Translation (ou Ordination), le 4 juillet, par opposition à la Saint-Martin « d'hiver », sa fête propre, le 11 novembre.
— Saint-Pïerre « engoule-août » : la Saint-Pierre aux Liens (1er août), par opposition à ses autres fêtes : fête propre, le 29 juin; Chaire d'Antioche, le 22 février ; Chaire de Rome, le 18 janvier (rarement célébrée).
— Saint-Remi « chef d'octembre » : son Elévation, le 1er octobre (fête principale), par opposition à sa fête propre, le 13 janvier.
Le même procédé permet encore de distinguer des saints homonymes.
La numérotation des dimanches qui ne correspondent pas à une fête majeure (« N-ième dimanche après la Pentecôte », etc.) n'est maîtrisée que par des liturgistes aguerris. Dans l'usage courant, ces dimanches sont plus fréquemment désignés par un trait spécifique de la liturgie dominicale : introït de la messe (« dimanche de "Dum clamarem" »), incipit ou thème de l'évangile (« dimanche de Lazare »).
Dans les milieux monastiques, on utilise de la même manière les particularités des offices du jour : notamment le premier répons ou la première antienne du bréviaire (premier nocturne) ou du diurnal (matines). Ces particularités dépendent de la liturgie propre de chaque église ou de chaque ordre monastique ; il est impossible d'en fournir un répertoire utile dans le cadre d'un programme de chronologie.